Qui oserait critiquer la pièce d'un monstre sacré comme Tchékhov, en l'occurence l'inoxydable Oncle Vania, mise en scène par une Claudia Stavisky qui n'hésite pas -dans une stratégie pipole tous aziumuts- à associer un auteur comique télévisuel (Didier Bénureau) et des valeurs reconnues (Philippe Torreton, Marie Bunel), le tout empaqueté dans le très estimé théâtre des Bouffes du nord? La recette est infaillible pour que la critique journalistique soit enthousiaste, ampoulée, dithyrambique, frisant entre l'extase et le grotesque, du classique "bouleversant" à "immense", sans oublier "démiurge inspiré" (que j'ai trouvé, si, si...).
Disons le tout net: le seul élément remarquable de cette pièce est qu'elle réussit à banaliser le texte de Tchékhov au point qu'il en paraît vieilli, falôt, comparable à une (mauvaise) pièce de boulevard. Didier Benureau fait d'Oncle Vania un personnage ridicule et pathétique. On ne peut imaginer idée plus saugrenue et malvenue, sinon au plan du marketing, que de choisir un tel acteur pour jouer le rôle subtil, sombre et déchirant, de cet oncle Vania, porteur d'un desespoir autrement plus lourd que celui d'un amour éconduit. Philippe Torreton fait du Torreton: il joue avec indolence, comme un intermittent comptant ses heures, traversant son discours de quelques coups de gueule faits pour réveiller un auditoire qui s'endort. En pure perte. L'acteur distille de manière admirable un profond ennui. Si accablant qu'à ce niveau-là, cela en devient presque de l'art.
Seules les femmes tirent leur épingle du jeu: Agnès Sourdillon qui surjoue tout au long de la pièce trouve dans la tirade finale le ton juste pour conclure la pièce étrange et profonde du russe. C'est bien mais c'est vraiment trop tard.
Et puis il y a Marie Bunel.
Ses gestes lents, sa voix sourde et profonde, sa démarche éclairent cette calamité théâtrale d'une lumière particulière. Intense, troublante et glacée, cette femme donne le frisson.
Le reste vous pétrifiera d'ennui.